Cent onze parfums
C’est en me promenant dans les rues d’Angers que je
suis tombée par un heureux hasard – la fameuse sérendipité – sur un livre qui
trônait dans une jolie vitrine : Les
cent onze parfums qu’il faut sentir avant de mourir (1). Amatrice de parfums et
de senteurs fines (le thé n’est jamais loin), j’ai voulu feuilleter l’ouvrage,
le sentir… et je fus bien inspirée !
Cet ouvrage est une petite merveille.
L’objet lui-même est beau : le papier est doux au
toucher, les illustrations des flacons sont épurées, les couleurs fidèles aux
originaux, les textes agréablement disposés sur les pages, l’organisation du
propos extrêmement claire. Note de tête fraîche et réussie !
Les cent onze flacons vus du ciel (Ibid. p. 1) |
Venons-en au cœur : certes nous avons tous des réminiscences
olfactives et les odeurs sont porteuses d’émotions, surtout quand elles nous
renvoient à notre enfance, mais chacun sait combien il est difficile de décrire
une odeur… les mots nous échappent parce que la langue nous limite vite pour
exprimer des ressentis évanescents, mais aussi parce que l’odorat n’est pas un
sens très cultivé dans nos civilisations et, de fait, notre mémoire olfactive
est assez pauvre. Quelle frustration de sentir telle ou telle odeur et de ne
pouvoir la nommer ! L’odeur de la pêche, par exemple, est familière mais c’est
autre chose que de pouvoir la reconnaître abstraitement ou nichée au milieu de
subtiles compositions. Grâce à l’expertise et l’expérience olfactives de
ses auteurs, ce livre permet de mettre des mots sur des fragrances complexes,
avec bonheur, subtilité mais aussi professionnalisme, sans brider pour autant la
sensibilité qui est là, en permanence… à fleur de page.
Fraîcheur verte
©levaporettoblogue.blogspot.com
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Et l’ouvrage donne envie une envie folle de sentir et
ressentir autrement les parfums déjà connus, de découvrir les compositions
inconnues, de se laisser émerveiller et ravir à l’infini par ces jus
magnifiques.
Quant à la note de fond , elle est
persistante et laisse un sillage puissant : au fil de la lecture des textes
et de la chronologie (7 chapitres couvrent une période allant de 1800 à aujourd’hui),
c’est une partie de notre histoire culturelle et artistique qui se dessine, car
un grand parfum c’est bien plus qu’une anecdote olfactive, c’est un « élixir
anthropologique » qui cristallise les dimensions culturelles, , artistiques,
scientifiques, économiques d’une époque … bref un « fait social total »
comme aurait pu le dire la grand anthropologue Marcel Mauss.
Pour le plaisir de la lecture, je ne résiste pas à l’envie
de partager quelques lignes du texte consacré à l’un des parfums qui composent
mon jardin idéal, Après l’ondée, créé
en 1906 par Jacques Guerlain :
L'iris, fleur essentielle |
« Parfum
belle époque […] Après l’ondée est une œuvre contemplative, qui fait surgir des
paysages bucoliques, une clairière où les rayons du soleil percent la brume,
une végétation humide et froide, une communion de la nature. Sur la peau, il dévoile
des notes anisées et orangées qui se dissipent peu à peu pour laisser place à
une jolie violette éternelle, poudrée et tendre. Nimbé de la beauté froide de l’iris,
le cœur exhale les senteurs riches et épicées de l’œillet, les effluves
duveteux du mimosa et les accents fauves, presque cuirés, de la cassie […]. Le bleu, le mauve, le
vert feuille, le jaune pâle et le blanc semblent être ses couleurs de prédilection. » (Ibid. p. 21)
(1) Yohan Cervi, Jeanne Doré, Alexis Toublanc, Les cent onze parfums qu’il faut sentir
avant de mourir, Editions Le Contrepoint, mai 2017, 255 p.
Les parfums présentés sont issus d’un dossier publié
en novembre 2014 sur AuParfum.com, les textes ayant, à la faveur de cette
publication été « réécrits, amendés et enrichis pour proposer un regard
neuf sur une rétrospective inédite » (Ibid.
p 5)
Pour aller plus loin, sur Internet (sélection des auteurs du livre) :